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Fin de vie : Directives anticipées

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Lettre ouverte du syndicat CNI concernant le projet de loi sur la fin de vie

Le 5 mars 2015

Madame, Monsieur,

Le Syndicat CNI a participé au colloque organisé par le Sénat le 19 février 2015 sur le projet de loi de Messieurs CLAEYS et LEONETTI. Les débats ont été forts intéressants sur les deux principaux sujets c’est-à-dire la sédation profonde terminale et les directives anticipées.

Néanmoins, le syndicat CNI s’interroge sur l’application de cette future Loi.

Lors de la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale du 18 février 2015, plusieurs amendements ont été adoptés.

Parmi ceux-ci, l’AS70 instaure la possibilité pour un patient de bénéficier d’une sédation profonde et de mourir à son domicile. Il ne s’agit pas ici de se prononcer sur la sédation profonde en elle-même mais de s’interroger sur les moyens donnés pour cette mise en place au domicile sur l’ensemble du territoire. Une surveillance très rapprochée du patient avec une évaluation et une adaptation personnalisée du traitement est nécessaire, à chaque moment, dans les 24 premières heures. Ce seront soit les unités mobiles de soins palliatifs ou les HAD, soit les médecins et infirmières du secteur libéral qui devront être sollicités. Quels moyens financiers vont être alloués ? D’un autre côté, les cabinets libéraux auront-ils tous la capacité en termes de moyens humains et seront-ils formés pour assurer la surveillance des 24 premières heures ainsi que l’accompagnement du patient et de sa famille, avant, pendant et après le décès ? Nous nous interrogeons aussi sur la raison pour laquelle cet amendement n’a pas été discuté lors du colloque au Sénat le 19 février 2015, c’est-à-dire le lendemain.

Les soins palliatifs ont bien leur place dans ce projet de Loi. Ils sont reconnus d’utilité publique et l’objectif est d’en favoriser leur développement afin qu’un plus grand nombre de nos concitoyens puissent y avoir accès. L’amendement AS64, formulant un article additionnel demandant aux ARS de présenter un « recueil exhaustif » sur les places de soins palliatifs et la politique des régions pour leur développement, est intéressant. Mais, en amont des ARS, quels moyens vont être alloués aux établissements pour le développement de ces unités ?

La CNI ne souhaite pas que la prise en charge des soins palliatifs soit éclatée dans différentes unités de médecine par le biais de lits « dédiés ». Un accompagnement de qualité ne peut se faire que par une équipe pluridisciplinaire bien formée et rodée à l’exercice avec des effectifs adaptés. Il nécessite un investissement total des acteurs de soins dans une structure identifiée à cette spécialité. L’expérience du terrain va dans ce sens, travailler en soins palliatifs doit être un choix pour les professionnels. Le risque de développer les lits « dédiés » est bien d’imposer une discipline à des équipes qui ne le souhaitent pas ou qui n’ont pas la formation et les compétences requises. Force est de constater, d’ailleurs, que les « lits dédiés » actuellement installés dans des unités non spécialisées ne bénéficient pas systématiquement d’une adéquation des effectifs permettant de garantir une prise en charge telle que celle offerte dans les unités de soins palliatifs.

Le syndicat CNI propose, pour aller au bout de la démarche, d’introduire un amendement à la prochaine Loi Santé portée par Marisol TOURAINE en faveur du développement des soins palliatifs qui font partie de la prise en charge de la santé des français, au même titre que la prévention ou la vaccination. L’accompagnement de la mort intervient dans la continuité de la vie et fait partie intégrante du soin. Tous les français doivent pouvoir en bénéficier dans le cadre de cette Loi Santé et tous les soignants doivent y être associés.

Enfin, l‘amendement n°AS130 de l’article 4 alinéa 2 rajoute « l’équipe médicale » au lieu du « médecin », ceci entendant que, pour les députés faisant modifier le terme, l’infirmière fait partie de l’équipe médicale. Le syndicat CNI les en remercie mais dans les faits, les infirmières font partie de l’équipe soignante et non de l’équipe médicale. Ainsi, nous souhaiterions un amendement notifiant « équipe médicale et paramédicale », ceci permettant à chaque acteur de pouvoir se reconnaître et de s’approprier ce projet de Loi. La notion de collégialité, indispensable, en serait par ailleurs renforcée.

Ainsi, nous venons de vous exposer nos questionnements notamment sur les financements qui seront alloués à la mise en place de ce projet de loi sachant qu’actuellement, il est déjà difficile de déployer de nouvelles unités de soins palliatifs pourtant préconisées dans la loi LEONETTI de 2005. Nos craintes se portent donc sur la volonté du législateur à faire progresser les droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. L’intention est certes présente mais la réalité du développement des soins palliatifs en France doit impérativement s’accompagner d’un budget ainsi que d’un plan de financement à la hauteur des ambitions affichées. Intégrer cet engagement par une inscription dans les orientations de la Loi Santé démontrerait tout l’intérêt du législateur mais cette démarche doit comprendre également une enveloppe financière identifiée par ce dernier.

En vous remerciant de votre attention, nous vous prions de croire, Madame, Monsieur, en l’expression de notre profond respect.

Nathalie DEPOIRE

Présidente de la CNI

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