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La loi infirmière en discussion est une étape historique

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La loi infirmière en discussion est une étape historique : elle reconnaît enfin les compétences des soignants, leur autonomie et leur rôle central dans l’accès aux soins.

Mais un point inquiète sérieusement : le droit de regard donné à l’Académie nationale de médecine sur les prescriptions infirmières.

Initialement uniquement confié à la HAS, ce rôle est partagé vers une instance sans représentation paramédicale, qui vient tout juste de déposer un recours au Conseil d’État contre la primo-prescription des IPA.

Pourquoi ce déplacement est préoccupant ?

a) Sur le plan institutionnel

  • La HAS est une autorité scientifique indépendante, reconnue pour son pluralisme et sa rigueur méthodologique.
  • L’Académie nationale de médecine, en revanche, est une instance à dominante médicale, sans représentation des professionnels paramédicaux ni obligation de contradictoire, et dont les avis récents trahissent une vision conservatrice des professions non médicales.

La faire participer à la validation revient à soumettre l’élargissement des compétences infirmières à une autorité marquée par une pensée médicale dominante et souvent restrictive.

b) Sur le plan politique

  • Ce basculement de gouvernance contredit l’esprit de la loi Rist, qui visait à ouvrir le champ de la pratique avancée, ainsi que la dynamique de structuration des professions paramédicales à travers les CNP.
  • Il crée un déséquilibre de représentation et donne de facto un véto indirect à une seule profession sur les perspectives d’évolution de toutes les autres.

L’Académie de médecine pourrait ainsi bloquer ou ralentir tout élargissement des droits infirmiers, y compris dans les territoires en tension où l’enjeu d’accès aux soins est majeur.

c) Sur le plan professionnel

  • À court terme : gel des textes d’application, prescriptions limitées aux classes déjà existantes, validation médicale systématique.
  • À moyen terme : affaiblissement du déploiement des IPA, avec une profession en perte d’attractivité, faute de reconnaissance réelle.
  • À long terme : blocage structurel de la montée en compétences infirmière, maintien d’un système cloisonné et hiérarchisé, qui ne correspond plus ni aux réalités de terrain ni aux besoins de santé publique.

Conclusion

Le fait de confier à l’Académie nationale de médecine un droit de regard sur les prescriptions de tous les infirmiers (et non plus seulement des IPA) marque un tournant majeur : ce qui relevait d’un encadrement scientifique (HAS) devient un contrôle professionnel (Académie).

Ce changement mine en profondeur l’équilibre du projet de loi infirmier : il ne s’agit plus de co-construire l’autonomie des soignants, mais d’en surveiller chaque pas.

C’est une régression politique maquillée, qui menace l’avenir même de la pratique avancée, de l’autonomie paramédicale et de l’accès aux soins dans de nombreux territoires.