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Le collectif psy de la CNI écrit aux députés

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Marseille, le 3 novembre 2015
Madame la Députée, Monsieur le Député,
Le projet de Loi Santé doit être voté en deuxième lecture par l’Assemblée Nationale prochainement.
Ce projet avait été élaboré après le constat suivant :
« Notre système de santé est performant mais inéquitable, c'est pourquoi il est indispensable de le moderniser. Le projet de Loi santé s'articule autour de trois axes : le renforcement de la prévention, la réorganisation autour des soins de proximité à partir du médecin généraliste, le développement des droits des patients. »

Concernant le domaine de la santé mentale et de la Psychiatrie, ce projet de loi est décevant.
Le 10 juin, la CNI avait participé à l’audition au Sénat par Madame Catherine DEROCHE, Madame Elisabeth DOINEAU et Monsieur Alain MILON auxquels nous avions remis un document, que nous joignons à cet envoi. Nous ajoutons aussi ce complément d’informations.

  • La gouvernance mise en place n’aide pas le travail des soignants.

La fonction de chef de pôle au sein d’établissements spécialisés ou généraux ne facilite pas le dialogue en leurs seins, notamment par la différence de philosophie de soins et de références théoriques. Cette fonction éloigne de la clinique puisqu’elle est centrée essentiellement sur la gestion et l’administratif. Elle est également chronophage et limite les échanges. La fonction essentielle d’un professionnel médical ou paramédical est d’être auprès du patient, ce qui est de plus en plus difficile.
Il en est de même pour les cadres de pôle ou les cadres de proximité, qui sont toujours à la recherche d’économies possibles, tout en gérant les manques d’effectif !
Les maîtres-mots sont « gestion économique, réduction des dépenses...» en aucun cas la qualité n’est prioritaire si ce n’est au moment de la visite de certification ! Ne lisez pas dans notre propos une critique de la démarche qualité et de la certification, nous déplorons au contraire que le « process qualité » soit trop souvent réservé aux experts visiteurs alors que le quotidien rime avec « procédures dégradées »

  • La formation :

Nous ne pouvons que regretter l’absence de spécialisation en santé mentale malgré les nombreux rapports écrits sur sa nécessité. Il nous semble urgent de travailler à sa création et sa mise en place pour assurer le renouvellement des compétences et des connaissances des nouveaux professionnels, dans le cadre du système LMD, les infirmiers de secteur psychiatrique disparaissant peu à peu des effectifs (fermeture en 1992 de la formation spécifique d’Infirmier de Secteur Psychiatrique).
En Psychiatrie, il ne suffit pas de faire, il faut aussi comprendre, réfléchir et penser le soin qui s’inscrit dans un long processus de réflexion pluridisciplinaire.
Actuellement, le discours ambiant porte sur les pratiques avancées. Celles-ci permettent de former pour des missions transversales, pour l’exercice en centre médico-psychologique, (pivot du soin en psychiatrie), par exemple, mais en aucun cas ne correspondent à l’exercice infirmier en service d’hospitalisation.
Il serait aussi nécessaire d’améliorer le processus de formation continue qui lui aussi est soumis à des économies drastiques et mal réparti au sein des pôles. Si la formation doit être améliorée, c’est dans l’intérêt des patients et non pour pallier le déficit médical !

  • Les GHT:

Nous sommes très inquiets de voir le secteur disparaître, plus ou moins au profit de structures aux contours flous et soumis aux influences politiques et médicales. Les priorités varient d’un territoire à un autre en fonction des besoins, des lobbyings...
Comment faire travailler ensemble des institutions avec des valeurs et des organisations différentes mais toutes avec des manques de moyens évidents ?
Rassembler pour mieux restreindre l’offre (pour exemple : savez-vous comme il est difficile de trouver des lieux d’hébergement, des appartements sociaux pour les patients ?)

  • Les pistes d’amélioration :

Sans revenir sur les précédents commentaires concernant la formation, il serait nécessaire de créer des structures d’accueil temps plein pour les enfants et jeunes adolescents relevant de la pédopsychiatrie. Ce public est de plus en plus présent aux urgences, avec parfois comme seule solution l’hospitalisation en service adulte. Il serait également nécessaire de créer des lieux d’accueil pour les patients stabilisés mais dans l’incapacité de vivre seuls, ainsi que de permettre le placement dans des maisons de retraite pour les plus âgés et donc développer la géronto-psychiatrie (vieillissement de la population).
De manière plus générale, il faudrait créer des lieux d’accueil post hospitalisation. Les lieux de soins délocalisés qui ont vu le jour dans les années 1970/1990 (appartement thérapeutiques, associatifs, familles d’accueil...) sont en cours de fermeture pour cause de budget restreint.

  • La prise en charge des détenus :

Un grand nombre de patients ont commis des actes délictueux et sont emprisonnés. Ils ne sont pas tous suivis par des professionnels de santé. Il doit être mené une réflexion sur leurs parcours de soins. Pour rappel : « Notre système de santé est
performant mais inéquitable, c'est pourquoi il est indispensable de le moderniser. La loi de santé s'articule autour de trois axes : le renforcement de la prévention, la réorganisation autour des soins de proximité à partir du médecin généraliste, le développement des droits des patients. » Cette phrase doit également s’appliquer à eux !

  • En conclusion :

Au fil des années, la psychiatrie, comme l’ensemble des disciplines médicales, a progressé. Les demandes qui lui sont faites, sont en constante progression sans l’accompagnement en moyens. Nous sommes à un moment crucial dans la prise en charge des patients en psychiatrie, soit celle-ci est considérée comme une spécificité médicale au même titre que d’autres (réanimation, dialyse...) avec les moyens qui lui sont nécessaires, soit nous aurons des conditions indignes de prise en charge comme pour
les prisons et nous reviendrons à l’asile amélioré !
Nous, professionnels de santé devons répondre aux besoins de nos concitoyens sans restriction. Nous ne prenons en compte ni les opinions, ni les revenus, ni la couleur de peau. Nous essayons de soulager la douleur, de soigner voir de guérir quand cela relève de nos possibilités.
Restant à votre disposition, veuillez agréer, Madame la Députée, Monsieur le Député, nos respectueuses
salutations.
Danièle HENGEN
Vice-présidente CNI,
Responsable du collectif psychiatrie