Actu

Les soignants des français comme les autres.

Monsieur le Ministre,

Ce 5 mars, vous avez adressé un courrier aux professionnels de santé les « invitant » à se faire massivement vacciner au plus vite.

Dans ce courrier, vous réitérez la confiance que vous nous faites et saluez notre investissement sans faille dans la gestion de cette crise sanitaire que nous traversons maintenant depuis plus d’un an.

Alors comment expliquer les discours que nous entendons depuis une semaine, Monsieur le Ministre ?

Comment pouvez-vous concevoir de nous menacer de saisir le conseil de l’éthique sur la question « est-il éthique de la part des soignants de ne pas se faire vacciner ? » !

Est-il éthique, Monsieur le Ministre, de menacer d’obligation vaccinale les soignants et de les traiter comme des enfants qui auraient mal agi ?

Les soignants, Monsieur le Ministre, sont des français comme les autres, des êtres humains doués d’intelligence et de sentiments !

Lorsque les doses de vaccin Pfizer ont été mises à disposition des personnels âgés de plus de 50 ans ou atteins de comorbidités, les soignants ont répondu massivement à l’appel et se sont fait vacciner. Autant qu’il leur a été possible de le faire. Nous vous rappelons que ces vaccinations ont rapidement été arrêtées compte-tenu des difficultés d’approvisionnement que vous rencontriez et dans l’objectif de pouvoir assurer les deuxièmes injections de ces primo vaccinés.

Ensuite est arrivé le vaccin AstraZeneca. Votre communication indiquait alors une efficacité inférieure de 30% et les effets secondaires nous ont amenés au bout de 24h à mettre une alerte sur l’organisation de ces vaccinations : il est impossible de vacciner toute une équipe d’un même service en même temps au risque de mettre en péril le fonctionnement de celui-ci.

Alors oui effectivement les soignants, comme tous les français, se sont interrogés : fallait-il se faire vacciner avec ce vaccin ou attendre l’arrivée des nouvelles doses de Pfizer afin de se protéger et de protéger leurs patients au maximum ?

Ils se sont interrogés sur le fait que les arrêts maladies engendrés par les effets secondaires de ces vaccinations allaient les amputer d’un jour de carence que, malgré nos demandes insistantes depuis plusieurs années, vous refusez de supprimer.

Oui, comme tous les français, les soignants s’interrogent, réfléchissent et mesurent le bénéfice/ risque selon leur individualité.

Cela ne signifie pas qu’ils n’iront pas se faire vacciner mais qu’ils revendiquent le même droit que chaque français de pouvoir être en capacité de faire un choix libre et éclairé.

Au fil des années qui viennent de s’écouler, les soignants ont perdu confiance en leur tutelle. Comment peut-on aujourd’hui leur demander de tendre le bras sans réfléchir, sans remettre en question les informations transmises indiquant une meilleure couverture qu’initialement annoncée de l’AstraZeneca ? Le fait que « même si les données ne sont pas stabilisées, il existe une possibilité réelle que la vaccination réduise la contagiosité » n’est d’ailleurs pas très à même de les rassurer.

Par ailleurs, nous vous rappelons que les doses n’ont pas la même disponibilité sur tout le territoire et que dans certains secteurs, les soignants qui souhaitent se faire vacciner se voient proposer un rendez-vous avec un délai de un mois à un mois et demi !

Pour mémoire, de nombreux soignants ont été contaminés par la Covid19 dans l’exercice de leur fonction et aujourd’hui ils doivent attendre entre 3 et 6 mois post contamination pour pouvoir se faire vacciner selon les recommandations de l’HAS.

Certains soignants présentent en outre des contre-indications à la vaccination.

Alors comment justifiez-vous le procès qui leur est fait depuis une semaine ?!

Les raisons qui expliquent le pourcentage de vaccinations des soignants sont multiples, et même si certains - et ils ne sont pas majoritaires loin s’en faut - par conviction et surtout par peur, expriment le choix de ne pas se faire vacciner, pensez-vous vraiment que c’est en les menaçant d’obligation que vous allez les convaincre ?!

Les soignants sont sur le front au quotidien depuis plus d’un an, ils s’épuisent à la tâche et, vous ne pouvez le nier, ils n’ont pas toujours eu à disposition les matériels de protection nécessaires pour se protéger. Ils n’ont rien lâché, ils ont continué à s’investir tous les jours, souvent en mettant entre parenthèse leur vie privée. Ils n’ont jamais compté leurs heures et ont accepté d’immenses sacrifices pour faire face. Ils n’oublient pas que, jusqu’à très récemment, il leur était demandé de venir travailler s’ils étaient contaminés asymptomatiques…

Comment osez-vous dire aujourd’hui que de leur vaccination dépend « notre sécurité collective, et (…) la capacité de notre système de santé à tenir » ?!

C’est indécent, Monsieur le Ministre.

La fragilité de notre système de santé actuel est la résultante de 30 ans d’ingérence de la part de gouvernements successifs, ce sont bien les soignants qui, par leur professionnalisme et leur investissement, ont permis qu’il tienne.

Si sa fragilité est encore plus grande aujourd’hui, ce n’est pas parce que les soignants ne sont pas tous vaccinés mais bien parce que les fermetures de lits et les suppressions d’effectifs mettent chaque jour en péril l’équilibre instable d’un système de santé aussi épuisé que ceux qui le font vivre : les soignants !

Vous venez aujourd’hui taper sur les doigts et donner des leçons à ceux qui attendent encore et toujours que vous les entendiez.

Alors soyez certain, Monsieur le Ministre, que les soignants sauront, comme toujours, faire preuve de professionnalisme et agir au mieux dans l’intérêt de tous et sans s’oublier eux-mêmes.

Quelques soient leurs décisions à venir, soyez assuré qu’elles ne seront pas dictées par les arguments culpabilisateurs développés dans votre courrier.

Ce dernier aura plutôt eu comme conséquence de nourrir leur colère à l’encontre de tutelles qui décidément ne se rappellent qu’ils existent que lorsqu’elles ont besoin d’eux.



 

Céline LAVILLE  Présidente du Syndicat CNI

Céline DUROSAY Secrétaire du Syndicat CNI

Document en téléchargement [874,8 Kio] Télécharger