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Lettre ouverte CNI au Président de la République

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Lettre ouverte du syndicat CNI
A Monsieur François Hollande, Président de la République

Monsieur le Président,

Dans les semaines qui ont suivi votre arrivée à l'Elysée, dans vos propos et ceux de la Ministre de la Santé que vous avez nommée, il était question de restaurer la confiance chez les hospitaliers. Plus de deux années se sont écoulées et le constat s'impose : la confiance n'est pas d'actualité. La majorité des hospitaliers expriment un sentiment d'abandon voire de maltraitance.

En effet, les professionnels, toutes catégories confondues, ont à cœur de mener leurs missions de service public en accord avec leurs valeurs mais voilà, cela relève aujourd'hui trop souvent d'une « mission impossible ». Face à l'implacable logique budgétaire sacralisant la rentabilité avant l'humain, le quotidien est devenu une succession d'injonctions contradictoires.

Il est demandé aux professionnels, à juste titre, de mettre en pratique les recommandations de la Haute Autorité de Santé mais l'exercice devient complexe lorsque vous devez faire sans en avoir les moyens. Face aux restrictions budgétaires et aux restructurations imposées, les effectifs sont contraints et impliquent la mise en place de procédures dégradées. Ces dernières, qui devaient être exceptionnelles, deviennent récurrentes et la banalisation s'installe. Cette gestion conduit trop souvent à une prise en charge des usagers par voie de priorisation. Nous gérons l'essentiel, l'urgence... mais qu'advient-il de l'humain, du relationnel, de l'éducation, de la prévention ? C'est un exercice de funambule imposé où les soignants se retrouvent sur un fil et qui génère un mal-être profond.

Lorsqu'une difficulté est mise en évidence et qu'une réclamation est posée, il paraît alors judicieux à certains de s'exclamer qu'il faut former les soignants à la bientraitance. Mais permettez-moi de vous dire, Monsieur le Président, que dans nombres de situations, demander à ces professionnels de suivre une formation sur le sujet relève de la maltraitance. Il est inconcevable de demander aux agents une meilleure prise en soins si, parallèlement, les moyens ne leurs sont pas donnés.

Comment prodiguer des soins de qualité lorsqu'il n'y a plus assez de lits et que, pour répondre à l'afflux, des lits supplémentaires sont installés sans augmenter le personnel présent ? Comment être efficients lorsqu'il vous est demandé, de manière répétée, de venir sur vos repos remplacer les collègues malades ? Je ne parle pas ici d'un remplacement ponctuel mais bien de celui qui se renouvelle sans paiement d'heures supplémentaires et qui se traduit par un stock d'heures accumulées qui seront récupérées quand la situation sera meilleure pour le service. Je parle de ces week-ends qui s'empilent 3, 4, 5 fois de suite, loin du « un dimanche sur 2 » prévu par les textes et qui posent souci « à la maison » parce que, même si cela échappe à beaucoup de personnes, les soignants ne sont pas des robots mais des humains avec, eux aussi, une vie à l'extérieur de l'hôpital.
Ces personnels hospitaliers, qui appartiennent à la Fonction Publique Hospitalière et qui connaissent un gel de la valeur du point d'indice, depuis 2010, répondent encore présents, mais pour combien de temps ? Je parle bien de gel du point et non des salaires car nos revenus eux, ils diminuent sous l'effet conjoint du gel du point et de la hausse de nos cotisations retraite. Les soignants se désolent des moyens qui leurs sont attribués pour exercer et assumer la succession des Contrats de Retour à l'Equilibre Financier (CREF).

Au salaire s'ajoutent les primes diront certains, ceux-là mêmes qui ignorent le montant desdites primes à savoir 1,07 € brut de l'heure de nuit, comptabilisées sur 9 heures alors que l'agent en travaille dix ou douze. Moins de 10€ de prime par nuit, ce montant ne permet même pas de régler la majoration des frais de garde de nuit des enfants pour ces personnels. Le dimanche, une prime de 46€ est attribuée. Des primes immuables depuis des années, il n'a pas été prévu de les indexer à l'augmentation du coût de la vie.

Malgré les difficultés croissantes des hospitaliers pour boucler leurs fins de mois, ils vous parleront avant tout de leurs conditions de travail. Dans un second temps, ils parleront peut-être des repas et des temps de pauses non pris, très souvent offerts à l'institution, mais leur préoccupation première est d'obtenir les moyens d'une prise en soins de qualité pour des usagers de plus en plus exigeants.

Au fil des années, les hôpitaux ont vu décroître le nombre de lits. Nombre de technocrates nous ont expliqués les évolutions de l'offre de soins et l'équilibre nécessaire avec le développement du réseau ville. Mais là encore, le constat est flagrant, si les lits sont réduits à l'hôpital et que l'hospitalisation à domicile se développe, les moyens donnés ne sont pas à la hauteur des besoins de la population.

Dans le contexte actuel, il est impératif de stopper les fermetures de lits et les suppressions de postes. Certes, nous avons bien pris acte des déclarations de Madame Marisol TOURAINE qui assure qu'il ne s'agit pas de suppressions mais plutôt de « non remplacement » d'agents partant en retraite. Mais personne n'est dupe, plusieurs établissements connaissent des réductions d'effectifs. De plus, comment les établissements vont-ils gérer les « non-remplacements » auprès des patients ? Arrêtons de parler d'effectifs rémunérés et parlons un peu de présence au lit du patient. Il s'agit de définir des effectifs en adéquation avec une charge de travail réelle, tenant compte de l'absentéisme et d'effectifs de suppléances déterminés, des ratios soignants-soignés par service selon les spécialités et le degré de dépendance des patients accueillis.

Monsieur le Président de la République, j'en appelle à votre responsabilité de chef de l'Etat pour engager en urgence des mesures concrètes pour sauver le système de santé en grand danger, de garantir des prises en charge sécurisées et de qualité aux usagers du système de santé.

Comptant sur votre intervention, je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, mes respectueuses salutations.

Nathalie DEPOIRE
Présidente de la CNI

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