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Ma santé 2022 : lettre ouverte au Président de la République

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Marseille, le 19 septembre 2018

LETTRE OUVERTE A : Monsieur Emmanuel MACRON, Président de la République.

Monsieur le Président de la République,
Après de longs mois d'attentes, c'est avec la plus grande attention que, à l'instar de nombre de soignants et d'usagers, nous avons écouté votre discours présentant la réforme à venir de notre système de santé.
Nous avons bien pris acte de l'expression de votre gratitude exprimée au nom des français. Pour nous qui sommes à leur contact au quotidien, elle n'est pas une surprise mais il est vrai qu'entendre ces mots résonner au plus haut niveau de l'état est inhabituel, appréciable et apprécié.
Vous annoncez un changement de paradigme, un changement majeur de l'envergure des ordonnances Debré portant création des CHU, avec la volonté d'un système centré sur le patient et ses besoins s'organisant autour de communautés professionnelles territoriales de santé.
Si nous partageons la perspective d'une réforme qui concerne l'ensemble du système de santé et l'importance du travail en collaboration, nous avons bien du mal à identifier la place que vous donnez aux soignants. Certes, vous semblez nous faire toute confiance pour demeurer de « braves petits soldats » et évoquez, très succinctement, des revalorisations à venir.
Il est certain que nous pouvons et ce, sans rougir, très légitimement demander des augmentations afin d'avoir enfin des salaires en adéquation avec nos compétences et nos responsabilités. Plus prégnante, sans aucun doute la revalorisation de nos contraintes hospitalières. Pour exemple, la prime de nuit à l'hôpital est actuellement de 1,07€ brut de l'heure et ce, pris en compte sur 9 heures, indépendamment de nuits de travail réalisées en 10 ou 12 heures, alors même que les frais de garde d'enfants correspondant seront nettement plus élevés.
Nous n'avons pas manqué de noter dans vos propos que vous aviez été attentif à nos argumentaires puisque vous avez énoncé un diagnostic partagé notamment concernant le mal-être soignant et la notion de perte de sens...

Notre déception est d'autant plus vive que les mesures pour y remédier rapidement sont absentes.
Oh nous sommes lucides et nous n'attendions donc pas de merveilles, nos espoirs étaient minces mais de là à les réduire ainsi à néant...
Quitter le « tout » curatif pour un système résolument orienté vers le préventif est une orientation pertinente mais la centrer essentiellement sur les médecins n'est-il pas une erreur stratégique ?
226 000 médecins, 660 000 infirmiers,
Une répartition médicale inégale sur le territoire,
Une répartition infirmière normée et de fait plutôt uniforme,

Malgré cet état de fait, vous présentez une réforme médico-centrée...

Vous créez un nouveau métier, des assistants médicaux pour les médecins généralistes qui accepteront de se regrouper mais le vrai problème ne se situe-t-il pas justement là où il n'y a pas ou plutôt plus de médecin ?
Ceux-là avec qui se regrouperont-ils ? Qu'est ce qui viendra persuader les médecins de s'installer dans les régions désertées par la profession ? Visiblement, vous poursuivez le choix, pourtant sans résultat, de vos prédécesseurs : il faut inciter et ne pas obliger, cette dernière option retenue pour les infirmiers n'est encore pas d'actualité pour le corps médical...
Des assistants médicaux qui viendront les décharger... mais nul doute que vous aurez des candidats à ces postes, Monsieur le Président, ce sont des centaines de soignants qui se désespèrent dans les couloirs des hôpitaux et des EHPAD, qui n'ont plus aucun sens à leur travail, qui jour après jour, bafouent leurs valeurs les plus profondes. Vous les verrez très vite les candidats, ils traverseront la rue pour venir chercher un nouvel emploi qui leur redonnera peut-être envie de se lever le matin et de croire encore que leur travail peut être épanouissant, reconnu et valorisé !
Et à tous ceux qui resteront à leurs postes, qui s'accrocheront désespérément à leur espoirs, qui continueront à s'user la santé pour prendre en charge celles de leurs concitoyens, qui voudront croire encore un peu qu'un jour vous ouvrirez les yeux sur leurs souffrances et leur tendrez la main, à tous ceux-là que leur dites-vous ?
Nous vous avons bien entendu répéter encore et encore qu'il faut libérer du temps médical, certes, mais quand donnerez-vous aux infirmiers et aux aides-soignants les moyens d'en retrouver pour pouvoir travailler dans le respect de leurs valeurs et en sécurité ?

Aux hospitaliers, vous annoncez une future gouvernance avec un pilotage médical et une CME qui doit peser dans les décisions... N'auriez-vous pas oublié dans votre propos, vous qui souhaitez mettre en avant le collectif, d'associer la représentation soignante hospitalière avec sur un même niveau les décisions de la CSIRMT ?

Pour les EHPAD, votre discours cite une augmentation pour les aides-soignants de ce secteur : dont acte, reste à connaître le montant de cette hausse. Mais cette augmentation ne serait-elle pas justifiée pour tous les aides-soignants ? Par ailleurs, ne pensez-vous pas que des moyens supplémentaires pour mettre en adéquation les effectifs à la charge en soins et rendre ainsi possible une prise en charge de qualité des résidents seraient également amplement justifiés ?

Très brièvement évoqué lors de votre discours, le champ de la psychiatrie et de la santé mentale requiert également des mesures d'urgence. Nous prenons acte, néanmoins, très favorablement de l'annonce par la voix de notre ministre, Madame Buzyn, de l'extension de la formation des Infirmiers de Pratique Avancée à la psychiatrie dès 2019.

Ce 18 septembre, vos annonces tant attendues n'augurent pas de réelles perspectives de changements avant plusieurs années.
Ne soyez donc pas surpris, Monsieur le Président, si vous voyez les soignants « un beau matin, fatigués, aller s'asseoir sur le trottoir d'à côté », trop usés de vous avoir envoyé des messages que vous vous évertuez à ne pas entendre !

A vous, qui annoncez un changement d'une envergure équivalente aux « ordonnances DEBRE » portant création des CHU, au nom des professionnels de santé que nous représentons, nous demandons instamment, Monsieur le Président, de reprendre votre prescription. Les « ordonnances MACRON » doivent impérativement intégrer des mesures d'urgences et des moyens supplémentaires à ceux annoncés.

Comptant sur votre volonté à prendre soin de chacun, nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, nos respectueuses salutations.

Nathalie DEPOIRE
Présidente du Syndicat CNI

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